LE QUIZ AUX FOUNDATEURS·TRICES D'ARTY FARTY (20 ANS APRÈS)
Vingt après la création d'Arty Farty comme collectif à Lyon dédié aux musiques électroniques et à l'art contemporain, l'équipe qui s'est élargie considérablement et a créé les incontournables Nuits sonores (28 mai-2 juin) avec des antennes internationales, la plateforme d'activistes European Lab et le réseau de festivals dans le continent We Are Europe fête ses deux décennies à l'Auditorium lyonnais. Un week-end (15-17 mars) à l'image d'eux-mêmes, avec l'investissement d'un espace symbolique pour le transformer en scène ouverte de musique, de performances, d'échanges et d'invention des nouvelles formes culturelles.
À l'affiche, une Nuit Immersive avec l'émission Tracks d'Arte et l'association pour la création Adami (la performance son-lumière m.o.m. de Thomas Laigle, le Club Kids LGBT de Marmoset & Tiggy Thorn, l'artiste cyborg catalane Moon Ribas et le live du parisien Molécule), une soirée Garçon sauvage (sets de l'hollandais Job Jobse et les lyonnais L'Homme Seul et Cornelius Doctor), un Arty Farty Club (sets du mystérieux américain Rrose et la figure locale P. Moore), un Extra! (avec blind-test de Nina & Simone et karaoké techno), un Mini sonore pour les plus petits, une conférence de l'auteure-compositrice-interprète Agnès Gayraud (La Féline/La dialectique de la pop, Philarmonie de Paris-La Découverte, 2018), un concert de l'Orchestre national de Lyon (dans le programme, la turntablist Shiva Feshareki et une pièce de John Adams) et, comme cerise sur le gâteau d'anniversaire, la première mondiale d'Arnaud Rebotini jouant la bande son de 120 battements par minute.
Articles sur les Nuits Sonores/European Lab/Sónar en catalan et espagnol
Le noyau d'Arty Farty en 1999 était entièrement féminin : Cécile Chaffart, Violaine Didier et Frédérique Joly. Et organisait déjà un festival du même nom dans l'entrepôt qui deviendrait La Sucrière. À partir 2003, arrive l'ancien journaliste et disquaire Vincent Carry et propulse avec Didier, Joly, Agoria, Patrice Moore et Pierre-Marie Oullion la première édition des Nuits sonores. Il confie s'avoir inspiré du Sónar et l'exemple de la ville de Barcelone. Et, dans l'édito de la fête des 20 ans, reconnait que Lyon était "alors la capital de la répression anti-techno". L'objectif de déminer cette image était lancé et, aujourd'hui, on ne pourrait pas comprendre la ville sans la palette Arty Farty qui ratisse large. Ses responsables ont réussi à inscrire la métropole pas seulement comme une capitale de la musique électronique mais à la dynamiser culturellement en y intégrant les éléments de discussion de mode de vie et société qui vont avec. "Nous nous préparons à affronter les prochains vingt ans, avec beaucoup de volonté", résumait Carry dans la présentation du programme. Celles et ceux pionniers nous répondent sur de moments choisis dans ce quiz :
VIOLAINE DIDIER
Directrice artistique et coordinatrice
Quel a été le meilleur moment de ces 20 ans ?
"Les premières éditions de Nuits sonores où tout était encore expérimental et où l’insouciance était notre moteur".
Le moment le plus dur ?
"Arrêter Nuits sonores Tanger".
Un·e artiste spécial·e ?
"Michael Rother (Neu!), une de ces rencontres qui lie deux personnes qui parviennent à se comprendre parfois sans mots dire".
Un voyage pas comme les autres ?
"Rouler toute la nuit pour rejoindre Glasgow en pleine tempête pour cause de vol annulé afin d’organiser l’une des plus belles Carte Blanche de Nuits sonores".
Un souhait ?
"Développer les projets d’intérêt général pour qu’Arty Farty contribue, grace à la culture, à soutenir les causes qui lui sont chères".
FRÉDÉRIQUE JOLY
Directrice générale adjointe
Quel a été le meilleur moment de ces 20 ans ?
Le moment le plus dur ?
"Sans aucun doute le moment où on a décidé de renoncer à Nuits sonores Tanger faute de soutien politique et financier. Parce que ce projet était un retour aux fondamentaux, à ce que nous partagions tous : l’envie de produire un festival qui mélange les publics, gratuit, ouvert à tous, qui voulait créer un pont entre les jeunesses du Maghreb et les jeunesses européennes. A contrepied totalement des festivals d’hôtels qui se sont multipliés par la suite. Ce festival avait tellement de potentiel et portait tellement de valeurs positives, il nous a inspiré et marqué jusque dans nos programmations. Sur Nuits sonores Lyon bien sûr, mais aussi dans d’autres projets européens ou internationaux. Pour moi ça reste la plus douloureuse des décisions".
Un·e artiste spécial·e ?
"Schneider TM. Parce que j’écoutais sa reprise des Smiths en boucle quand on a lancé le tout premier festival Arty Farty, qu’il est venu jouer plusieurs fois au tout début. Bref, il incarne pour moi le début de l’histoire, un sentiment à la fois nostalgique et merveilleux, parce qu’on ne savait pas du tout alors ce que tout ça allait devenir…
Sinon, Jennifer Cardini, parce qu’elle a suivi un peu comme Laurent Garnier, les différentes étapes de notre histoire, elle a joué à Nuits sonores plusieurs fois, elle a joué aux Echos sonores, elle est venu avec nous à Bogota, elle joue au Sucre aussi régulièrement. C’est quelqu’un que j’aime beaucoup et je suis très heureuse qu’elle termine la nuit 4 de Nuits sonores cette année".
Un voyage pas comme les autres ?
"Nuits sonores Séoul, parce qu’on avait la peur au ventre, peur de ne pas trouver le public, peur que ce soit super dur pour les artistes. Et puis, finalement, le projet, les lieux, les artistes, tout était bien, notre collaboration avec les équipes là-bas a été formidable. Ça reste pour moi un souvenir très précieux et aussi un moment très fort partagé entre les membres de notre petite délégation".
Un souhait ?
"Qu’on reste audacieux toujours !".
VINCENT CARRY
Directeur général
Quel a été le meilleur moment de ces 20 ans ?
Le moment le plus dur ?
"Le mois qui a précédé la première édition de Nuits sonores à Lyon. Nous étions sûrs que nous préparions un beau projet, nous nous battions pour lui, nous avions envie de le partager avec tout le monde. Mais la pression était énorme et il fallait que notre intuition s’avère juste ! Beaucoup de gens nous attendaient et voulaient voir ce que ça allait donner. Il y a avait une pression culturelle, médiatique, etc… très forte. Il fallait tout inventer, tout écrire et nous proposions un modèle de festival très différent, inédit. Il était très difficile de tout anticiper ! Notamment de savoir comment allait fonctionner cette idée d’inviter des dizaines de milliers de personnes à faire la fête dans notre ville, à Lyon, et d'en prendre les clés. C’était un stress énorme. Nous avons tous perdu 10 kilos et pas dormi pendant 6 mois ! C’est notamment cette expérience très étrange qui m’avait inspiré le titre de notre livre Nuits sonores, 10 ans sans dormir".
Un·e artiste spécial·e ?
"Sans aucune hésitation : Laurent Garnier. Il a été et il reste une figure majeure de notre histoire. Un ami, une icône du festival, un artiste dont nous respectons et partageons à 100% l’éthique et l'intégrité. Il a joué sur les 15 dernières éditions de Nuits sonores, dans tous les formats possibles : dj, back to back, live, ciné-concert, pour les enfants, etc… Il a aussi été une figure majeure des Echos sonores, et bien entendu un pilier de la programmation et de la vie du Sucre. Au-delà de cette présence et de cette fidélité, c’est aussi une personne qui nous a beaucoup aidés, conseillés, dont nous avons toujours écouté les points de vue avisés, en particulier lorsqu’ils étaient critiques".
Un voyage pas comme les autres ?
Un souhait ?
"Continuer à se battre pour l’indépendance totale et sans réserve d’Arty Farty. En faire une structure culturelle européenne de référence, libre et engagée, respectueuse, ouverte, consciente. Solide face au contexte de société que nous devons affronter : les enjeux sociaux et sociétaux de la culture, la rupture démocratique, le péril environnemental, au sens le plus large. Une structure enfin engagée dans la construction de la culture de demain et l’accompagnement des générations émergentes d’artistes et d’acteurs culturels".
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