
MARCO BARADA. Sirât, d’Óliver Laxe, a été très bien accueilli jeudi dernier en tant que film de la compétition officielle du Festival de Cannes de cette année. L’espagnol était accompagné d’une bonne partie de son casting dans le film, avec Sergi López comme seul acteur professionnel, le jeune Bruno Núñez et cinq des véritables travellers (nomades de la rave) qui participent au film. Et voici la chronique de la façon dont j’ai suivi toute l’équipe dans les moments qui ont précédé la montée du mythique tapis rouge.
Laxe est un grand gaillard. Très grand. Peu importe le nombre de personnes présentes, il se démarque toujours comme s’il dominait la foule. Son attitude est à la fois imposante et séduisante, chaleureuse et dure, humble et visionnaire. Sirât, son quatrième film (sortie en France le 3 septembre), est sa plus grande production à ce jour. Il compte sur le géant espagnol de l’audiovisuel Movistar + et sur le soutien personnel et professionnel de son ancien directeur de fiction Domingo Corral (en plus de 4 x 4 Productions, Filmes Da Ermida, Uri Films, Los Desertores Films), ainsi que de Pedro et Agustín Almodóvar d’El Deseo. Le cinéaste de la Galice revient à Cannes, le festival qui l’a vu naître et qui l’a accueilli pour chacun de ses films dans différentes sections.
Cette trajectoire fait partie d’un processus de recherche cinématographique né du Novo Cinema Galego, avec des représentants tels que Lois Patiño, Eloy Enciso ou Laxe lui-même. Dans ce film, de grands noms de ce groupe comme Santiago Fillol (co-scénariste) ou Mauro Herce (directeur de la photographie) reviennent pour créer ce cinéma sensoriel, éthéré et différent qui a émergé en Galice au cours de la dernière décennie.
Il ne reste plus que quelques minutes avant que le cortège de voitures officielles n’arrive pour les emmener sur le tapis rouge et, ensuite, à la projection du film, point d’orgue de ce processus. L’atmosphère est électrique. Tout le monde est anxieux et excité, il y a beaucoup d’attente. Les gens se serrent dans les bras, se félicitent et montrent leur incrédulité face à l’aboutissement imminent de leur odyssée cinématographique dans le désert de l’Atlas, où le film se passe. Il y a les directeurs de Movistar+, Esther García et Agustín Almodóvar de El Deseo. Mais il n’y a aucune trace d’Óliver. Yolanda Díaz, deuxième vice-présidente du gouvernement espagnol et ministre du Travail, est là pour soutenir le réalisateur galicien dans sa première apparition en compétition officielle.
En route vers le tapis rouge

Les nerfs sont à vif. Certains disent que « c’est comme un mariage ». Les photos correspondantes sont prises, chacun veut immortaliser ce moment avec quelqu’un d’autre. Les acteurs commencent à arriver. Les embrassades se succèdent, de celles qui vous soulèvent du sol et vous font craquer le dos. Les sourires sont inévitables. Sergi López est très gai mais calme. Il en profite pour faire une vidéo du cortège, arrêté devant eux en attendant. Il salue à droite et à gauche, laissant échapper des rires expansifs à chaque fois qu’il parle à quelqu’un. Il n’oublie pas d’embrasser et de discuter avec Bruno Núñez, qui joue le rôle de son fils dans le film et pour qui tout cela est nouveau et inconnu.
Les parents de l’enfant me disent qu’il était déjà au Festival de Saint-Sébastien pour présenter La Mesías (Javier Ambrossi et Javier Calvo, 2023), bien que tout y soit plus petit, plus intime, plus familier. C’est Cannes et pour n’importe qui, mais surtout pour un enfant, ce qui l’attend peut être intimidant : marcher sur le tapis rouge et être bombardé par des milliers de flashs et de cris désespérés pour attirer l’attention ; entrer dans une salle de cinéma gigantesque pleine de monde ; voir son travail projeté sur un écran géant ; et faire face à une ovation qui peut durer jusqu’à 22 minutes (la moyenne se situe entre six et huit). Les parents de Bruno me regardent pensivement pendant que je leur explique de quoi il s’agit.
Enfin, Óliver apparaît. Se détachant nettement des autres, il est regardé comme on admire les mariés descendant l’allée, préparés à une liturgie ancestral. Ses étreintes sont chaleureuses et rapprochées, sincères. Tout le monde veut le toucher, tout le monde veut un morceau de lui dans ce moment magique. Surtout Yolanda Díaz, qui tient son visage comme une tante fière de son neveu qui a grandi. Ils se tiennent la main, s’enlacent à nouveau et s’embrassent. Laxe continue et répète avec Domingo Corral, qu’il soulève du sol avec effusion et qu’il remercie pour sa vision et son soutien. Il ne manque pas non plus l’occasion de se faire photographier avec des compagnons de route du Novo Cinema Galego, comme Patiño ou Felipe Lage.
Le moment est venu. La nuit est tombée. Les réalisateurs, les acteurs, petit à petit, tous montent dans les voitures officielles. Il ne reste plus que Sergi et Óliver. Ils se donnent une dernière accolade, avant que l’acteur catalan ne monte à son tour dans la voiture. Laxe, avant de monter, a un moment d’introspection, seul dans la rue, la portière ouverte. Il respire et ferme les yeux. Puis il rentre dans la voiture pour se rendre sur le tapis rouge.
* Spécial Festival de Cannes 2025
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