La culture, la quarantaine et l’estocade

JULIE BRUSLEY | Un des concerts populaires à la cour de la Cinémathèque de Toulouse au Cinélatino 2019
JULIE BRUSLEY | Un des concerts populaires à la cour de la Cinémathèque de Toulouse au Cinélatino 2019

VICENÇ BATALLA. Parmi les prochains rendez-vous auxquels nous devions assister en tant que parisBCN, il y avait les Rencontres de Toulouse Cinélatino la deuxième quinzaine de mars. Sûrement, le rencontre de référence pour le cinéma latino-américain en Europe où pas seulement sont présentés des films sinon qu’on cherche financement pour de nouveaux projets au milieu d’une ambiance populaire héritier de cet événement qui a débuté aux années quatre-vingt avec d’exilés des dictatures sud-américaines. Et qu’on continue, avec l’historique Cinémathèque de Toulouse comme axe, grâce à la collaboration enthousiaste des dizaines de volontaires. Le président du festival, Francis Saint-Dizier, médecin lui même, s’est trouvé avec l’obligation de l’annuler totalement malgré qu’au début on essayait encore de conserver au moins les projections. Et même si on devait le faire sans invités internationaux, sans compétition et jury, sans les habituels concerts gratuits, sans la cantine pour tous les participants. À la fin, même cette version réduite a été impossible à cause des mesures du gouvernement français, pour combattre le coronavirus, limitant les réunions dans tout le pays à un maximum de cent personnes.

Celui-ci est seulement un des milliers de cas d’annulations en cascade dans le monde de la culture en France, en Catalogne, en Espagne, en Europe, dans toute la planète. Des programmations spéciales une fois l’année, mais aussi des programmations régulières pendant toute la saison. Une catastrophe pour un secteur économique déjà précaire et qui, au moment de se relever et de recevoir des aides, est toujours le dernier appelé. Et je rappelle que j’écris quand même ces lignes depuis un pays avec une sensibilité spéciale comme la France. Dans cet autre circuit, il n’y a pas de corporations, pas d’entités financières à qui aller au secours par crainte qu’elles arrêtent d’agir parce qu’elles ne peuvent pas en avoir un rendement, parce qu’elles ne peuvent pas spéculer. Ici il y a des gens qui travaillent toute l’année pour faire parvenir un projet au maximum de personnes possibles et la seule et unique satisfaction de diffuser du cinéma en salles, musique en direct, arts scéniques, arts plastiques, livres… Un patrimoine immatériel que la plupart des fois on ne peut pas quantifier en termes de capitalisation, mais sans lequel on deviendrait tous encore plus individualistes, non solidaires, aigris et ignorants.

Est-ce que les politiciens considèrent que c’est une chose qu’on doit sauver, comme on a fait avec les banques ? Autre, évidemment, des services publics de l’éducation et la santé ? Ou peut-être c’est une opportunité de se débarrasser d’eux par son incommodité, ses critiques et l’impossibilité de les gouverner ? Celle-ci c’est la tentation, surtout dans une époque de pandémie nationaliste dans le monde.

Dans la ville où j’habite, à Lyon, et en même temps que tiennent lieu des élections municipales en France, environ soixante-dix associations, petites entreprises et médias indépendants ont signé un appel pour que les candidats se manifestent devant cette alarmante situation. Une d’elles, Arty Farty, organise en mai les Nuits Sonores que c’est qui ressemble le plus en France au Sónar barcelonais. Et, parallèlement, célèbre l’European Lab Forum qui regroupe activistes de tout le continent pour la culture. Toute l’édition de cette année est en péril. Ce qui a été déjà annulé à Lyon c’est le Quais du Polar, un rendez-vous incontournable des amants du polar. J’avais demandé des entretiens au barcelonais Carlos Zanón, le dessinateur majorquin Bartolomé Seguí, l’argentin Martín Caparrós et l’américain George Pelecanos. C’est clair, ça s’est envolé.

À Toulouse, je devais parler avec la réalisatrice chilienne de documentaires Carmen Castillo qui était invitée à une table ronde avec d’autres gens du cinéma latino-américain à propos des révoltes des derniers mois dans le continent pour rompre les structures du pouvoir que maintiennent les inégalités économiques, sociales et de genre. Et, en même temps, il m’intéressais de discuter avec la directrice aussi de documentaires brésilienne Maria Augusta Ramos, qui a suivi de très près le retour à la tête de l’État dans son pays de l’extreme droite.

Je pourrais continuer à donner des exemples d’interviews avortés pour justifier que, dans les prochaines semaines, il va diminuer le rythme de contenus dans ce site web. Et sans parler encore du dénouement des manifestations plus importantes comme c’est le cas du Festival de Cannes en mai. Nous devrons trouver des solutions alternatives, en profitant des avantages de la communication virtuelle. Mais, malgré que gérer du contenu depuis internet permet de faire des choses qui auparavant étaient beaucoup plus difficiles, la base même de la culture c’est l’échange personnel et social avec des groupes qui ont des avis différents par rapport à nos goûts, intérêts et idées. Et c’est à quoi on devrait retourner avec plus de force que jamais une fois remis du coronavirus et cette mondialisation dictée par les marchés et sa logique infectieuse.

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